Mon rapport sur la Présomption d'innocence - ACCORD FINAL sur la future directive !
A l’automne 2014, j’ai été désignée rapporteur du Parlement européen sur la proposition de directive européenne relative à la Présomption d’innocence. Dans cet article, vous trouverez des informations sur mon rapport, le déroulement de la procédure, les personnes que j’ai rencontrées et les prochaines étapes !
Le « paquet législatif Droits procéduraux » proposé par la Commission européenne :
La proposition de Directive sur la présomption d’innocence, sur laquelle Nathalie Griesbeck a été désignée Rapporteur, fait partie du « paquet législatif droits procéduraux », c’est-à-dire d’un ensemble de textes, relatifs aux droits procéduraux.
Adopté en 2009, le programme de Stockholm qui définit une feuille de route pour l’Union Européenne dans le domaine « Libertés, Sécurité et Justice » a mis l’accent sur le renforcement des droits des personnes dans le cadre des procédures pénales.
Dans le Programme de Stockholm, le Conseil Européen a invité la Commission à présenter des propositions qui exposent une approche progressive pour renforcer les droits des suspects et des personnes poursuivies par l’établissement de normes minimales communes encadrant les droits constitutifs du procès équitable.
Dans ce cadre, 3 directives européennes ont d’ores et déjà été adoptées :
- La directive 2010/64 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales a été adoptée en octobre 2010 (premier volet de la feuille de route).
- La directive 2012/13 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales a été adoptée en mai 2012 (deuxième volet).
- La directive 2013/48 relative au droit d’accès à un avocat dans les procédures pénales et procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et les autorités consulaires a été adoptée en octobre 2013, après de très longues négociations.
Le 27 novembre 2013, la Commission Européenne est venue donc présenter le dernier volet du l’ensemble « Droits procéduraux ». Il contient 6 documents :
- Communication sur les avancées dans le programme de l’UE relatif aux garanties procédurales accordées aux suspects et aux personnes poursuivies – renforcer les fondements de l’espace européen de justice pénale COM 2013/0820
- Proposition de directive portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales – COM 2013 / 0821 final – 2013/0407 (COD)
- Proposition de directive relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants soupçonnés ou poursuivis dans le cadre des procédures pénales – COM/2013/0822 final – 2013/0408 (COD)
- Proposition de directive concernant l’aide juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies privés de liberté, ainsi que l’aide juridictionnelle dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen – COM/2013/0824 final – 2013/0409 (COD)
- Recommandation sur les sauvegardes procédurales pour les personnes vulnérables soupçonnées ou poursuivies dans le cadre des procédures pénales
- Recommandation sur le droit à l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes accusées dans le cadre de procédures pénales.
Nathalie Griesbeck a été désignée rapporteur du Parlement Européen sur la proposition de directive portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales.
La proposition de Directive sur la présomption d’innocence, publiée par la Commission européenne:
Voici le texte de la proposition législative initiale de la Commission publiée le 27 novembre 2013 : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52013PC0821&from=FR
Voici la structure de la proposition législative de la Commission européenne :
- Article 1 : Objet de la Directive – Établir des règles minimales concernant: a) certains aspects du droit à la présomption d’innocence dans le cadre des procédures pénales; b) le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales.
- Article 2 : Champ d’application de la Directive
- Article 3 : Principe = les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie.
- Article 4 – Accusations publiques portées avant condamnation : les EM veille à ce qu’avant toute condamnation définitive, aucune déclaration publique ou décision officielle émanant d’autorités publiques ne présente les suspects ou les personnes poursuivies comme coupables.
- Article 5 : Charge de la preuve et niveau de preuve requis
- Article 6 : Droit de ne pas s’incriminer soi-même et de ne pas coopérer
- Article 7 : Droit de conserver le silence
- Article 8 : Droit d’assister à son procès
- Article 9 : Droit à une nouvelle procédure de jugement (lorsque les suspects ou les personnes poursuivies n’ont pas pu assister à leur procès)
- Article 10 : Voies de droit effectives et recours
- Article 11 : Collecte de données par les Etats sur l’application de cette Directive
- Article 12 : Clause de non-régression (aucune des dispositions de la directive ne peut être interprétée comme limitant les droits et les garanties procédurales consacrés dans la Charte européenne des droits fondamentaux.
- Article 13 : Transposition de la Directive, 18 mois après publication.
- Article 14 : Entrée en vigueur de la Directive
Quelle est la procédure législative ?
Selon la procédure législative européenne classique dite « procédure ordinaire », le Parlement européen et le Conseil européen sont co-législateurs et doivent tous deux, se prononcer sur la proposition législative initiale de la Commission Européenne.
Au Conseil européen ?
Le Conseil, qui représente les 28 Etats membres de l’Union européenne, va donc travailler et débattre sur la proposition initiale de la Commission européenne et faire des propositions de modifications / suppressions / ajouts.
En l’espèce, le Conseil européen a adopté le 4 décembre 2014 sa « position officielle » (qui contient des modifications) sur la proposition législative initiale de la Commission européenne.
Vous trouverez cette position au lien suivant : Position en .pdf
Au Parlement européen ?
Même chose, le Parlement Européen, va travailler et débattre sur la proposition initiale de la Commission européenne et faire des propositions de modifications / suppressions / ajouts.
Nathalie Griesbeck a été désignée, en juillet 2014, rapporteur du Parlement Européen sur la proposition de directive portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales.
Chaque autre groupe parlementaire a alors désigné un rapporteur fictif ou rapporteur shadow, c’est-à-dire le député responsable de suivre suivre l’avancée des travaux du Rapporteur, au nom de son groupe parlementaire.
Voici les rapporteurs fictifs désignés par les autres groupes :
Kinga Gal (PPE – Hongrie)
Birgit Sippel (S&D – Allemagne)
Jan Albrecht (Verts) – Allemagne)
Dennis De Jong (GUE – Pays-Bas)
Kazimierz Ujazdowski (ECR – Pologne)
Laura Ferrara (EFDD – Italie)
Le Rapporteur prépare alors un projet de rapport sur la proposition initiale de la Commission européenne qui va ensuite être discuté au sein de la commission parlementaire compétente (ici la commission Libertés civiles, Justice et affaires intérieures du Parlement), puis adopté.
Ensuite ?
Une fois que le Conseil européen et le Parlement Européen ont tous les deux adopté leur « position » sur la proposition initiale de la Commission européenne, débutent alors les négociations pour que les deux colégislateurs se mettent d’accord sur un texte commun : c’est ce qu’on appelle la phase des trilogues.
Au Parlement européen : les travaux préparatoires de Nathalie Griesbeck sur la présomption d’innocence
Nathalie Griesbeck a ainsi commencé ses travaux de rapporteur du Parlement Européen. Dans le cadre de ces travaux, elle a rencontré de nombreux interlocuteurs dont vous trouverez une liste (non définitive) ci-dessous, afin de recueillir les avis, opinions, suggestions de toutes les parties prenantes.
- Catherina Chinicci (députée S&D, Italie) et Denis De Jong (député GUE, Pays-Bas) rapporteurs du Parlement européen, sur les deux autres propositions législatives du « Paquet Droits procéduraux »
- Olivier Tell, chef d’unité « droit pénal » et Ingrid Breit, unité « droit pénal », Direction Générale de la Justice, Commission Européenne
- Représentants du Conseil européen : représentants de la Présidence italienne et représentants de la Président lettone.
- Rencontre avec le service juridique du Parlement Européen
- Rencontre avec les autorités françaises
- Isabelle Jegouzo, secrétaire générale adjointe
- David Touvet, magistrat à la représentation permanente de la France auprès de l’UE
- Gilles Straelhi, conseiller à la Cour de cassation, qui a participé aux travaux préparatoires organisés par la Commission sur la proposition de directive
- Michaël Gihr (chargé de mission auprès du directeur des affaires criminelles et des grâces, ministère de la justice)
- Frédérique Dalle (magistrate à la DACG en charge des négociations de la proposition de directive « présomption d’innocence »)
- Clément Incerti (magistrat à la DACG, bureau de la police judiciaire)
- Hugues Courtial (chef du bureau des questions pénales, DLPAJ, ministère de l’intérieur) et Florian Figues (DLPAJ)
- Barbara Siguret (Chef du bureau des affaires juridiques et contentieuses, DGDDI, ministère de l’économie et des finances)
- Rencontre avec des représentants de la Représentation permanente de l’Allemagne auprès de l’Union Européenne.
- Boštjan Zupancic, Juge, Cour Européenne des Droits de l’Homme
- Holger Matt, Président de l’association des barreaux pénaux européens (ECBA)
- Conseil des barreaux européens (CCBE)
- Délégation des barreaux de France (DBF)
- Conseil National des Barreaux de France : Monsieur David Lévy, Monsieur Philippe Chandon.
- Association Fair Trials (pour des procès équitables)
Au Parlement européen : le Rapport de Nathalie Griesbeck sur la présomption d’innocence
À l’issue de ses lectures, recherches et rencontres, Nathalie Griesbeck a rendu ce mardi 20 janvier son rapport sur cette proposition législative.
Télécharger le rapport de Nathalie Griesbeck au format Word
A voir en vidéo. Jeudi 5 février, Nathalie Griesbeck a présenté son rapport sur la Directive européenne relative à la présomption d’innocence devant la commission Libertés Civiles, Justice et Affaires Intérieures du Parlement Européen.
Les amendements
Une fois le rapport de Nathalie Griesbeck présenté en commission Libertés civiles, Justice et affaires intérieures, tous les autres députés, membres de cette commission parlementaire peuvent proposer des amendements (c’est-à-dire des modifications) au rapport rédigé par Nathalie Griesbeck.
180 amendements ont été déposés au rapport de Nathalie Griesbeck.
Voir les amendements déposés ici.
Une fois les amendements déposés et avant le vote sur le rapport en commission parlementaire, c’est au rapporteur de trouver avec les rapporteurs fictifs une position de compromis entre les nombreux amendements déposés, de concilier les différents éléments rajoutés / proposés par les collègues, députés européen : c’est ce qu’on appelle la phase d’amendements de compromis.
Au cours d’une réunion entre rapporteurs fictifs le 23 mars 2015, où tous les groupes parlementaires sont présents, Nathalie Griesbeck a proposé 11 amendements de compromis qui tentaient de réunir les différentes positions exprimées par chacun. Après quelques petits ajustements et au terme d’une réunion très fructueuse, les autres rapporteurs fictifs ont accepté toutes les propositions de compromis de Nathalie Griesbeck
Le vote
31 mars 2015 : jour du vote du rapport de Nathalie Griesbeck sur la présomption d’innocence. Grâce à un bon travail de négociation avec les autres rapporteurs et autres groupes parlementaires, tous les 11 amendements de compromis proposés par Nathalie Griesbeck ont été adoptés, ainsi que le rapport final à 48 voix pour (et 6 voix contre). Une belle victoire!
Voici le rapport final
Les négociations interinstitutionnelles
Selon la procédure législative européenne classique dite « procédure ordinaire », le Parlement européen et le Conseil européen sont co-législateurs et doivent tous deux, se prononcer sur la proposition législative initiale de la Commission Européenne.
Voici la position du Conseil : Position en .pdf
Voici la position du Parlement (c’est-à-dire le rapport final de Nathalie Griesbeck):Voici le rapport final
Une fois que ces deux institutions ont adopté leur « position » sur la proposition initiale de la Commission européenne, débutent alors les négociations interinstitutionnelles (entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement Européen) afin d’obtenir un texte commun : c’est ce qu’on appelle la phase des trilogues. Les trilogues sont toujours présidés par le rapporteur parlementaire. C’est l’Etat membre qui préside le Conseil européen qui représente le Conseil européen dans les trilogues (en l’occurence, ce fut la Présidence lettone entre le 1er janvier 2015 et le 30 juin 2015, puis la Présidence luxembourgeoise entre le 1er juillet 2015 et le 31 décembre 2015).
- Un premier trilogue sur la proposition de Directive relative à la présomption d’innocence a ainsi eu lieu le 29 avril dernier, à Strasbourg, sous la présidence de Nathalie Griesbeck. Classiquement, lors du premier trilogue sur un dossier législatif, on ne rentre pas dans les détails mais on passe en revue l’ensemble des articles du futur texte législatif (en l’espèce l’ensemble des 14 articles qui composent la Directive Présomption d’innocence) sur lesquels chaque institution (Parlement, Conseil – représenté par la Présidence lettone – et Commission) explique sa position.

- Un deuxième trilogue a eu lieu le 19 mai, à Strasbourg. Lors de ce deuxième trilogue ont été abordés les articles 1 à 5. Des progrès ont été faits, quelques accords ont été trouvés sur certains points notamment sur l’article 3 énonçant le principe de la présomption d’innocence, sur la question du champ d’application temporel de la Directive (article 2). Mais beaucoup de divergences demeurent entre les deux colégislateurs : sur le renversement de la charge de la preuve (article 5), sur le champ d’application personnel et matériel de la Directive (article 2) ou encore sur la présentation des personnes suspectées devant la Cour (Article 4)

- Un troisième trilogue a eu lieu le 1er juillet, à Bruxelles. La Présidence luxembourgeoise – qui fait suite à la Présidence lettone du Conseil – représente désormais le Conseil européen dans ces réunions interinstitutionnelles. Lors de ce troisième trilogue ont été abordés les articles 6 à 14 : quelques progrès ont été faits mais les négociations restent difficiles concernant le droit de conserver le silence (article 6), l’inadmissibilité des preuves obtenues en violation du droit de conserver le silence (article 10) et la possibilité de juger une personne en son absence – ou procédure in absentia (article 8) : ces trois points sont trois points durs. Ils seront à nouveau abordés lors du prochain trilogue.

- Un quatrième trilogue s’est déroulé le 17 septembre à Bruxelles, sous présidence de Nathalie Griesbeck, rapporteur du Parlement sur ce dossier et toujours en présence de la Présidence luxembourgeoise. Lors de cette réunion, quelques progrès ont été fait sur certains articles de la Directive ; toutefois, des divergences fortes entre le Parlement et le Conseil – les deux colégislateurs – perdurent sur plusieurs articles de la Directive. Afin de sortir de l’impasse, Nathalie Griesbeck a alors formulé, à l’égard du Conseil, une proposition finale, un compromis final sur l’ensemble des articles « restants » – c’est-à-dire sur lesquels un accord n’avait pas encore été trouvé -. Elle a ainsi demandé à la Présidence luxembourgeoise (qui représente le Conseil /les Etats membres dans les négociations) d’aller proposer ce « compromis final » aux autres Etats membres, afin qu’ils indiquent si ce compromis était acceptable ou pas. Nathalie Griesbeck avait alors clairement indiqué que c’était une « proposition finale » de la part du Parlement pour clôturer ce dossier – à prendre ou à laisser !
- Le 5ème trilogue a eu lieu le 27 octobre 2015, à Strasbourg, sous présidence de Nathalie Griesbeck et toujours en présence de la Présidence luxembourgeoise du Conseil. Lors de cette réunion, le Conseil , grâce à un travail important effectué par la Présidence luxembourgeoise auprès des autres Etats membres, a approuvé la majorité des points figurant dans « la proposition finale » formulée par le Parlement européen. Après des discussions et négociations très complexes mais très constructives sur les quelques points restants en suspens, un accord final a été trouvé sur ce futur texte législatif européen ! Une vraie victoire et la consécration d’un an et demi de travaux pour Nathalie Griesbeck, rapporteur sur ce texte législatif fondamental pour les droits des citoyens européens et pour leur droit à un procès équitable dans toute l’Europe.

L’accord final doit maintenant être approuvé formellement d’une part, par le Parlement Européen réuni en session plénière et d’autre part par le Conseil européen et l’ensemble des Etats membres… à suivre…
Articles précédents à ce sujet :
https://www.nathalie-griesbeck.fr/2015/09/point-detape-sur-les-trilogues-sur-le-dossier-presomption-dinnocence/
https://www.nathalie-griesbeck.fr/2015/03/belle-victoire-sur-le-droit-a-la-presomption-dinnocence/
https://www.nathalie-griesbeck.fr/2015/02/mes-propositions-sur-la-presomption-dinnocence-rempart-contre-larbitraire/
https://www.nathalie-griesbeck.fr/2014/10/premier-echange-de-vues-sur-la-presomption-dinnocence/
https://www.nathalie-griesbeck.fr/2014/09/nommee-rapporteur-du-parlement-sur-la-presomption-dinnocence/