Jeudi 14 avril, le Parlement européen a adopté une résolution marquant sa position sur la proposition de Directive européenne « Protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites« , dite « directive secrets d’affaires », de la Commission européenne. Vous avez été nombreux à solliciter l’avis de Nathalie Griesbeck, qui revient sur un texte au cœur de débats médiatiques et citoyens passionnés… à modérer toutefois avec recul et tête froide.
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Face à la levée de boucliers contre l’adoption de la résolution (503 députés se sont prononcés en faveur de la directive, 131 contre et 18 se sont abstenus), Nathalie Griesbeck vous invite tout d’abord à vous pencher sur le texte lui-même disponible au grand public au lien suivant et indispensable pour comprendre les enjeux et explications du vote :
Ainsi, si les secrets d’affaires font désormais l’objet d’une définition commune, harmonisée, à l’article 2 de la directive, la notion de divulgation « licite » d’un secret d’affaires, telle qu’une découverte indépendante ou par étude ou démontage d’un produit obtenu légalement, est également expressément énoncée, offrant ainsi un équilibre entre intérêt de l’entreprise et souci de transparence.
Le 28 novembre 2013, la Commission européenne a proposé un texte visant à « établir un niveau suffisant et comparable de recours dans tout le marché intérieur en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicites des secrets d’affaires ». Ce texte part du postulat que les entreprises innovantes, détentrices de secrets d’affaires, font de plus en plus l’objet de pratiques malhonnêtes – vol, copie non autorisée, espionnage économique, entrave aux politiques de confidentialité – visant à les déposséder de l’avantage concurrentiel auquel les secrets d’affaires leur donne droit. La Commission a ainsi proposé l’adoption de règles européennes visant tant à harmoniser les législations nationales nécessaires au bon fonctionnement du marché unique, qu’à redonner confiance aux créateurs, aux entreprises, et aux chercheurs innovants dans une époque où la cybercriminalité et l’espionnage industriel représentent une menace grandissante pour les entreprises européennes.
Au niveau des zones transfrontalières notamment, l’harmonisation des législations concernant la protection des secrets des affaires se faisait pressante, l’Union européenne souhaitant créer un cadre favorable à la coopération transfrontalière pour les PME tant en matière de recherche collaborative, d’innovation que d’extension des possibilités d’accessibilité aux marchés des pays voisins.
Ainsi, saisi de ce texte le 20 octobre 2014, le Parlement européen, institution co-législatrice, a entamé d’âpres négociations avec la Commission et le Conseil de l’Union européenne, co-législateur également, afin de faire respecter les lignes rouges qu’il s’était fixées.
Alors que la version première de la Commission européenne s’avérait dangereuse pour la presse en ce qu’elle prévoyait une obligation pour les médias de justifier leurs révélations devant les tribunaux en prouvant que cela était nécessaire, la version adoptée au Parlement européen cette semaine garantit que la protection du secret d’affaires s’effacera devant le droit à la liberté d’information (voir l’Article 1 sur le respect de la liberté et du pluralisme des médias, l’Article 5 sur les dérogations, ainsi que le Considérant 19 sur le journalisme d’investigation et la protection des sources des journalistes). En outre, l’obligation de transparence des entreprises est bien maintenue (Considérant 11).
Enfin, l’un des points ayant fait l’objet de nombreuses critiques dans les médias et sur les réseaux concerne la protection des lanceurs d’alerte (ou whistle blowers). À cet égard, il est important de rappeler que cette directive n’a pas pour objectif la protection des lanceurs d’alerte mais celle du secret d’afaires. Il est donc à noter qu’il s’agit ici déjà d’une première avancée notoire car, pour la première fois, la protection des lanceurs d’alerte est explicitement mentionnée dans un texte législatif européen (Considérant 20). Une avancée à souligner alors que le Parlement européen sollicite depuis des mois la rédaction d’un texte proprement dit sur les lanceurs d’alerte, la balle étant dans le camp de la Commission européenne…
Pour Nathalie Griesbeck, « si le Parlement européen a été vivement critiqué sur ce vote, il s’agit essentiellement d’une lecture biaisée du texte final adopté qui s’attache pourtant à protéger les entreprises et leur avantage concurrentiel, surtout en ce qui concerne les PME. Nous avons cherché le meilleur équilibre possible entre les différents détenteurs légitimes du même secret d’affaire mais aussi entre la protection des secrets d’affaires et la protection des libertés fondamentales, en garantissant la mise en place d’un cadre efficient de protection du savoir-faire des entreprises tout en préservant la liberté d’expression et d’accès à l’information« .
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Retrouvez le communiqué de presse de Jean-Marie Cavada, coordinateur de la délégation française UDI-MoDem au Parlement européen sur ce sujet en tant que membre de la Commission des Affaires juridiques :
Écrit par Jean-Marie CAVADA, 14 avril 2016
Jean-Marie Cavada se félicite du vote du projet de directive Secrets d’affaires au Parlement européen ce jeudi 14 avril. De longs mois de négociations ont finalement abouti à un texte équilibré, favorable à l’innovation et protecteur pour la liberté d’information.
Dans un environnement concurrentiel complexe, une protection juridique des secrets d’affaires est indispensable à l’innovation. À ce titre, cette directive offre au patrimoine immatériel de l’entreprise une protection intégrale, couvrant toute la phase d’élaboration d’un procédé. Un soulagement pour les start-ups et PME, souvent dépourvues des moyens financiers nécessaires à leur protection.
Par ailleurs, Jean-Marie Cavada se dit soulagé : « Nous avons veillé tout au long des négociations à imposer des gardes fous garantissant la protection de l’investigation journalistique et, pour la première fois, la protection des lanceurs d’alerte est explicitement mentionnée dans un texte législatif européen. C’est une première étape décisive qui ouvre enfin la porte à une directive spécifique protégeant les lanceurs d’alerte ».
En effet, Jean-Marie Cavada appelle à rester très vigilant sur ce dernier point et ajoute : « Le 27 janvier dernier, j’ai sensibilisé mes collègues européens à la nécessité d’un véritable statut européen des lanceurs d’alerte. Il faut dès à présent profiter de cet élan pour ouvrir ce débat au sein des institutions européennes».
Retrouvez l’explication détaillée du texte par Jean-Marie Cavada : http://jeanmariecavada.eu/secret-daffaires-le-vrai-du-faux/
14 avril 2016